L’Institut François Mitterrand a posé 3 question à Maëlle Gélin, auteure de « Le pouvoir des lettres. Place et usage de la littérature dans les trajectoires de Georges Pompidou et François Mitterrand » et lauréate du Prix du Master 2020 de l’IFM.
– Quel est votre parcours ?
Après un baccalauréat économique et social, j’ai intégré en 2013 le double-diplôme histoire-sciences sociales entre Sciences Po et l’Université Paris-Sorbonne. A l’issue d’une troisième année passée au Trinity College de Dublin, j’ai choisi de m’orienter vers l’enseignement et la recherche : j’ai poursuivi mes études en master de recherche histoire à Sciences Po – dont est issu mon mémoire – avant de passer l’agrégation en 2019. J’ai ensuite enseigné deux ans en tant que professeure d’histoire-géographie en lycée dans l’académie de Créteil. Je suis désormais doctorante contractuelle au Centre d’histoire de Sciences Po.
– Pourriez-vous nous présenter votre Mémoire et vos recherches ?
Dans mon mémoire de recherche de master, j’ai proposé une démarche comparative pour saisir la place de la littérature dans les trajectoires d’hommes politiques clés de la Ve République, en mettant en regard deux figures politiquement opposées ayant occupé la fonction présidentielle : Georges Pompidou et François Mitterrand.
J’ai voulu comprendre comment la littérature, dans un contexte national lui accordant un magistère singulier, a pu irriguer des trajectoires politiques et intellectuelles. Quelle place les lettres ont-elles prise dans la formation intellectuelle de ces deux présidents souvent présentés comme « littéraires » ? Dans quelle mesure la littérature forme-t-elle des professionnels de la politique ? Quels ouvrages constituent des références pour ces deux hommes ; que pouvons-nous comprendre de leur imaginaire et de leur vision du monde à travers l’étude de leurs bibliothèques respectives ? Quel rapport entretiennent-ils à l’acte d’écriture, à la publication ? Ces questionnements m’ont aussi amenée à tenter de saisir la place de la littérature dans la parole politique et dans la communication de ces deux figures en analysant leurs discours (usage de citations, de figures de styles littéraires, etc.).
Je me suis aussi intéressée à leurs sociabilités littéraires, qui vont d’amitiés solides tissées avec des écrivaines et écrivains, à des formes de relations plus ponctuelles et mondaines, ce qui m’a permis d’interroger les relations entre champ politique et champ littéraire.
Je me suis appuyée sur des sources de natures très diverses : les publications de Mitterrand et de Pompidou bien-sûr, mais aussi leurs correspondances, leurs discours, interviews, des archives liées à leur politique culturelle, ainsi que des entretiens oraux menés avec d’anciens collaborateurs. J’ai aussi pu explorer des fragments de leurs bibliothèques personnelles.
– Pourquoi s’intéresser à François Mitterrand, le littéraire ?
Au moment où j’entrais en master d’histoire, en 2016, il m’a semblé que la dimension lettrée du personnage de François Mitterrand, déjà connue et médiatisée, était de plus en plus mise en avant et participait de façon croissante à la construction de sa mémoire. Cela était certainement en grande partie dû à la parution des Lettres à Anne. Les rapports entre littérature et politique constituaient déjà pour moi une source d’intérêt importante ; j’ai donc voulu comprendre, en découvrant les textes de Mitterrand, comment l’une et l’autre s’irriguent dans des contextes particuliers, comment la littérature a pu incarner une véritable ressource politique.
La figure de Mitterrand est à cet égard très intéressante, au-delà des discours glorifiants ou au contraire sceptiques. Les ambivalences de ses références littéraires, la croyance forte qu’il investissait dans la littérature, son rapport quasi-sacré à la lecture et à l’écriture, ainsi que les liens qu’il a tissés et maintenus avec des écrivaines et écrivains ont constitué des domaines d’investigation passionnants pour comprendre les liens singuliers qui existent entre ces deux champs en France.