J’ai demandé à Béatrice Marre, qui gérait le fonctionnement du siège de la campagne, rue de Solférino et la préparation des soirées électorales, de parler de ces moments importants et même décisifs de la rencontre de François Mitterrand avec les Français : les meetings.
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« Paul m’avait dit : “ Tu n’y arriveras jamais ! Près de 30 grands meetings régionaux* à organiser, impossible ! ” Eh bien si, on l’a fait, et surtout, François Mitterrand les a faits, tous ! Ila emporté les foules crescendo, des quelque 1 500 personnes réunies à Beauvais, lors du premier, le 7 mars, jusqu’aux plus de 33 000 du meeting du 24 avril, dans le stadium bondé de Toulouse (où la tradition socialiste veut que se tienne toujours le meeting de fin de campagne de 1er tour), en passant par les 10 000 personnes rassemblées sous un soleil de plomb à Montpellier le 1er mai, et les 27 000 du stade Marcel Saupin de Nantes pour le meeting de clôture de la campagne le 8 mai.
Il avait été décidé que tous les meetings se dérouleraient selon le même schéma, et avec le même fond de scène : le désormais célèbre petit village nivernais de Sermages, dans l’arrondissement de Château-Chinon, dont je n’imaginais pas que je deviendrais la Sous-Préfète, Commissaire-Adjointe de la République quelques années plus tard !
Cette décision me valut -auprès de quelques camarades qui auraient aimé organiser leur meeting à leur guise et donc pas contents de devoir la respecter- le surnom peu aimable de Madame papier peint. Les moyens techniques de l’époque ne nous avaient en effet laissé comme solution que l’impression de cette photo sur des rouleaux de papier qu’il fallait assembler sur place, et que nous avions fait réaliser en trois dimensions, selon la taille des scènes (6x6m, 12x9m, 24x12m). Cela était très contraignant, puisqu’il fallait démonter ce décor le soir même pour l’aller installer dans la ville suivante.
Béatrice Marre (alors fumeuse invétérée !) et Roger Hanin installant un « papier peint »
Le déroulement était lui aussi millimétré : c’est avec Roger Hanin, beau-frère du Président, très impliqué dans la campagne et bon connaisseur des plateaux de tournage, comme il disait, que se faisait la préparation des plus importants rassemblements.
Une musique d’attente était diffusée, puis, juste avant l’entrée de François Mitterrand, j’appelais Roger Hanin avec mon talkie-walkie afin qu’il déclenche une poursuite lumineuse qui venait l’accueillir à l’entrée et l’éclairait tout au long de la traversée, dans toute sa longueur, de l’espace du meeting jusqu’à sa place, le tout au son de l’Internationale. Il s’installait soit au 1er rang, lorsqu’un ou deux orateurs (le maire ou le responsable le plus éminent du PS local, pour les villes de droite) étaient prévus, soit parfois directement au pupitre.
Et bien entendu, il y eut parfois des loupés, et quelques orateurs eurent la surprise de se voir brusquement interrompus par l’extinction des feux – pour faire place à la poursuite lumineuse – et du micro, pour la diffusion de l’Internationale, mais finalement ravis de constater l’enthousiasme d’une foule, debout, martelant MITTERRAND…PRESIDENT à l’arrivée du candidat. »
* Beauvais (7 mars), Rennes (21 mars), Bordeaux (25 mars), Amiens (27 mars), Lyon (2 avril), Ajaccio (3 avril), Avignon (4 avril), Metz (6 avril), Caen (7 avril), Brest (9 avril), Perpignan (10 avril), Dijon (11 avril), Bourges (13 avril), Besançon (14 avril), Grenoble (16 avril), Pau (17 avril), Lille (21 avril), Marseille (23 avril),Toulouse (24 avril),Montpellier (1 er mai), Mulhouse (5 mai), Saint-Dié, Epinal et Nantes (8 mai)
Source : http://paul.quiles.over-blog.com/2021/05/il-y-a-40-ans-les-meetings.html