Après une campagne très dure, les résultats du 1er tour de l’élection présidentielle viennent de tomber (voir tableau ci-dessous). Ils sont prometteurs, si je me souviens de ce que m’a dit François Mitterrand quelques semaines plus tôt: “Il faudra faire plus de 25% au 1er tour pour avoir une chance de gagner au second“.
En cet instant, en me replaçant dans l’atmosphère de la soirée du 26 avril 1981, je réfléchis à ce qui s’est passé au cours de cette campagne.
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Ce résultat part de loin.
En dépit des sondages favorables à Michel Rocard, c’est François Mitterrand qui a été le candidat du Parti socialiste. La campagne, dont je suis le directeur, a commencé le 24 janvier et, même si le premier meeting à Beauvais le 7 mars n’a pas été une réussite, les nombreuses visites du candidat sur le terrain, sa parole, son charisme ont été fructueux.
La France a retrouvé une certaine prospérité économique, mais avec encore des salaires très bas pour les ouvriers et une société corsetée dans les dogmes de la droite. Celle-ci a accaparé la Vème République, voire la République, au point que Jacques Chirac dit à propos de la gauche “C’est un excellent critique musical, mais demande- t-on à un critique musical de diriger l’orchestre ? ». Le mouvement social de mai 68 a ouvert des brèches dans l’esprit des Français, dans l’ensemble mieux éduqués, ayant migré vers les villes vers de meilleurs emplois.
Giscard en a récupéré quelques thèmes. Par exemple, si la loi en faveur de l’avortement, défendue avec courage par Simone Veil est adoptée, c’est bien grâce aux voix des députés de gauche, qui ont accompagné l’évolution et le développement des mouvements de société, dont la lutte des femmes. Las des bas salaires, du pouvoir des petits chefs, du comportement altier de Giscard, les Français sont sensibles au slogan socialiste “changer la vie” . Changer la vie, oui, mais avec “une force tranquille“, comme le dit l’affiche du candidat socialiste.
Outre la campagne présidentielle de 1974, où François Mitterrand n’est battu que de 400 000 voix seulement, il y a eu le succès socialiste aux élections municipales de 1977 grâce à l’Union de la gauche et au Programme commun. Citoyens socialistes et communistes (et pas seulement adhérents) ont appris à se parler, à se rencontrer et à s’apprécier sur le terrain. L’Union de la gauche s’est incarnée dans l’action des syndicats, des associations de consommateurs, de locataires et de parents d’élèves. Il y a encore des préjugés de part et d’autre, mais ceux qui ne sont pas encartés constatent que l’Union fonctionne et peut aider au changement souhaité. Certes, il y a eu des accrocs pendant la campagne : Georges Marchais accuse François Mitterrand de ne plus vouloir du programme commun à l’été 1977 (on se souvient de sa fameuse formule pour mettre fin à ses vacances en Corse “Liliane, fais les valises, on rentre à Paris” !), ce qui a entraîné le relatif échec de la gauche aux élections législatives de 1978 ; il approuve l’intervention soviétique en Afghanistan en 1979 ; il renchérit sur le niveau du Smic pendant la campagne présidentielle.
Les Français, déniaisés par 1968, déçus par Giscard d’Estaing et inquiets de la hausse du chômage, liée notamment au choc pétrolier de 1973, veulent en finir avec l’infantilisation et la sujétion dans laquelle la droite les a tenus.
25,85 % pour le PS, c’est un bon début….
Premier tour le avril 1981 | ||||
Nombre | % des inscrits | % des votants | ||
Inscrits | 36 398 859 | |||
Votants | 29 516 082 | 81,09 % | ||
suffrages exprimés | 29 038 117 | 98,38 % | ||
bulletins blancs ou nuls | 477 965 | 1,62 % | ||
Abstentions | 6 882 777 | 18,91 % | ||
Candidat Parti politique | Voix | % | ||
Valéry Giscard d’Estaing Union pour la démocratie française | 8 222 432 | 28,32 % | ||
François Mitterrand Parti socialiste | 7 505 960 | 25,85 % | ||
Jacques Chirac Rassemblement pour la République, soutenu par le Centre national des indépendants et paysans | 5 225 848 | 18,00 % | ||
Georges Marchais Parti communiste français | 4 456 922 | 15,35 % | ||
Brice Lalonde Mouvement d’écologie politique | 1 126 254 | 3,88 % | ||
Arlette Laguiller Lutte ouvrière | 668 057 | 2,30 % | ||
Michel Crépeau Mouvement des radicaux de gauche | 642 847 | 2,21 % | ||
Michel Debré Divers droite | 481 821 | 1,66 % | ||
Marie-France Garaud Divers droite | 386 623 | 1,33 % | ||
Huguette Bouchardeau Parti socialiste unifié | 321 353 | 1,11 % |
Source : http://paul.quiles.over-blog.com/2021/04/il-y-a-40-ans-le-26-avril.html