Robert Badinter nous a quittés ce 9 février 2024 à l’âge de 95 ans. Juste parmi les Justes, Robert Badinter a assurément accompli ce que son talent – immense –, son élégance – absolue – et son humanisme profond rendaient possible. Son œuvre politique comme intellectuelle est magistrale. Elle nous oblige.
Robert Badinter a noué son destin avec celui de François Mitterrand dont il fut proche dès les années 1960. Dans les années 70, il fut chargé par François Mitterrand, alors Premier secrétaire du Parti socialiste, d’animer une commission de juristes, dont firent partie Jean-Denis Bredin et Jack Lang, pour élaborer une charte des Libertés sur laquelle il s’était engagé lors de la campagne présidentielle de 1974. Cette charte inspira largement le programme présidentiel de 1981 avec, notamment, la proposition n° 53 et l’engagement d’abolition de la peine de mort. Alors que l’opinion était très majoritairement opposée à cette proposition, François Mitterrand la défendit courageusement dans une célèbre émission de télévision quelques semaines avant le premier tour, donnant une belle leçon d’anti-démagogie. On sait comment le peuple, en élisant François Mitterrand, valida ce programme. L’élection présidentielle de 1981 et sans doute tout autant l’élection d’une majorité absolue de députés socialistes à l’Assemblée nationale en juin 1981 rendirent possible l’abrogation que, lumineusement, magistralement, courageusement, après avoir été nommé Garde des sceaux en juin 1981, à la suite de Maurice Faure, Robert Badinter put mener à bien. Ce combat fut le combat de sa vie et sa proximité politique tout autant qu’amicale avec François Mitterrand lui permit de le remporter.
Il fut le grand juriste de la présidence de François Mitterrand, avant que celui-ci le nomme ensuite à la tête du Conseil constitutionnel en mars 1986. Robert Badinter a inscrit à jamais dans les tables de la gauche française un cycle de conquêtes parmi les plus grandes qu’aura permises l’alternance de mai 1981 : l’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’homosexualité, la suppression des juridictions d’exception, la possibilité des recours individuels devant la Cour européenne des droits de l’homme ou encore la création d’un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.
Nos pensées vont à son épouse Élisabeth, grande dame, combattante féministe de toujours, républicaine laïque engagée et courageuse avec laquelle il forma pendant si longtemps un couple lumineux, et à leurs enfants.
Jean Glavany, président de l’Institut François Mitterrand