Entre nationalisme, régression et projets pour l’avenir.
Point de vue | par Giovanni Roggia, le 11 mai 2020
Du même auteur : CHRONOLOGIE DES VOYAGES DE FRANÇOIS MITTERRAND EN EUROPE DE L’EST ENTRE 1989 ET 1992
« Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer »[1].
Ce travail a pour objectif d’analyser un aspect particulier de la direction politique française entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, période d’énormes bouleversements au niveau continental et international.
Dès le milieu des années 1980, les apparats politiques-institutionnelles européens – Commission et Conseil européen notamment – poursuivent l’approfondissement et l’intégration de leurs structures après la délicate adhésion de l’Espagne et du Portugal, libérés depuis peu de leurs systèmes politiques autoritaires respectifs. L’Acte Unique européen du 1986 [2] et le traité de Maastricht [3], qui prévoyaient la réalisation d’une union économique et monétaire et d’une union politique plus solide avant 1993, en sont les témoignages.
Dans le même temps, les pays occidentaux doivent faire face à l’inattendu [4] déchirement de l’Empire soviétique à l’Est, qui implique par conséquent le retour sur la scène européenne de nombreux pays d’Europe centrale et orientale, précédemment soumis à la force militaire du Pacte de Varsovie et de la redoutable Armée rouge [5].
La France tente, au cours de cette phase, de promouvoir son leadership au niveau continental[6]. Cet objectif est poursuivi à travers la canalisation de la réunification allemande dans une intégration européenne plus vaste. Cette volonté peut se concevoir à la lumière de la préoccupation française relative au fait que « l’Allemagne unifiée allait se détourner de la construction communautaire pour jouer sa propre carte dans la Mitteleuropa renaissante et en URSS »[7].
On tentera d’analyser la ligne politique adoptée par la Présidence de la République à travers l’étude des discours, des interviews, des allocutions et des conférences de presse du Président français entre 1989 et 1992. Les déplacements effectués étaient destinés à donner une réponse à la résurgence des nationalismes et à l’inquiétude concernant l’avenir de la sécurité continentale.
Le travail sera divisé en trois parties, correspondant aux trois temps de cette intervention à l’Est.
En premier lieu, on mettra en lumière les risques et les craintes soulevées par François Mitterrand à propos de la transition vers la démocratie dans les nouveaux pays indépendants. Le chapitre initial permettra de comprendre les raisons qui poussent le Président français à effectuer de nombreux voyages en Europe centrale et orientale. Cette section donnera aussi la possibilité de déchiffrer la perception française sur les PECO[8], en faisant apparaitre les problématiques plus brûlantes et vives.
Le deuxième chapitre sera dédié à la description de l’Europe de la fin des années 1980. On présentera la stratégie adoptée par le Chef de l’État pour démontrer aux pays de l’Est qu’eux aussi étaient membres de la grande famille d’Europe – la “maison commune européenne”, en utilisant une expression de Mikhaïl Gorbatchev. Cette méthode est composée de plusieurs éléments. Le recours à l’ancienne – et désormais oubliée – histoire commune, divisée par l’opposition entre superpuissances. La description des institutions existantes – CEE et Conseil de l’Europe en particulier. La mise en valeur de la transformation rapide de la géopolitique globale, qui permettra à cette nouvelle « Grande Europe »[9] d’être indépendante en matière de sécurité et de défense commune.
Le troisième et dernier chapitre présentera les instruments et les solutions proposés par la France pour réunir ces deux parties séparées de l’Europe. On analysera les grands plans que l’Occident avait mis en place pour tenter d’aider les pays précédemment ancrés dans le bloc soviétique. Le projet de la Confédération européenne, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et de Eureka en sont un exemple.
1) LA FRANCE FACE À LA RESURGENCE DU NATIONALISME À L’EST.
« Le “chemin de la paix” est, décidément, difficile à suivre : le tissu européen est déchiré, de toutes parts, à l’Est, par la redécouverte d’intérêts nationaux contradictoires, de traditions historiques distinctes et d’identités ethniques et linguistiques officiellement ignorées par le communisme »[10].
Les révolutions qui ont eu lieu en Europe centrale et orientale sont accueillies avec beaucoup d’admiration dans tous les pays occidentaux. François Mitterrand, pendant sa visite officielle en République Démocratique Allemande le 22 décembre 1989, affirme être « étonné et admiratif qu’une révolution de cette ampleur et dans tant de pays ne se soit pas déroulée dans la violence »[11]. Il continuera à manifester son admiration en janvier 1990 à Budapest. Dans la capitale hongroise, il confirme son soutien à l’application du « principe de la libre circulation des hommes », à l’émanation des « réformes économiques » et aux « premières élections libres depuis la guerre », qui ont eu lieu le 25 mars et le 9 avril de la même année. Après avoir « renoué avec son passé, récent ou plus lointain, avec son histoire, avec sa culture », « la Hongrie se retrouvait unie autour d’une idée de la patrie et de la liberté »[12].
Cependant, il tient à mettre en garde tout de suite sur les conséquences de ces révolutions, qui « laissent apparaître des questions nouvelles ou bien anciennes et même très anciennes : l’éveil des nationalités, les aspirations des minorités, le devenir des alliances militaires »[13]. « Est-ce que cette volonté pacifique et humaine sera maintenue jusqu’au bout ? »[14]. Cette dernière question, ainsi que les préoccupations manifestées, sont à la base de sa décision d’effectuer des visites d’États officielles dans tous les pays sortis du système communiste. La « méthode Mitterrand » pour l’organisation des voyages institutionnels dans les anciennes républiques socialistes de l’Europe centrale et orientale « consistait généralement en deux volets complémentaires au programme officiel : un petit déjeuner à l’Ambassade avec les dissidents et une rencontre à l’Université avec les étudiants »[15].
Le risque majeur de l’après-guerre froide que François Mitterrand met en lumière pendant ses voyages dans l’ancienne URSS est sans doute la résurgence des nationalismes, ce « qui explique le mieux sa réticence ou son appréhension devant la fin du communisme en Europe de l’Est »[16]. Le Chef de l’État français craint de voir « des antagonismes se développer entre les minorités et les majorités, des conflits graves, peut-être des effusions de sang et un remue-ménage de nationalités qui s’exacerberont au travers de l’Europe tout entière avec un effet de contagion » [17].
Ce sujet occupe la plupart de ses discours. Il avait pour objectif de convaincre les gouvernements des nouveaux États d’Europe centrale et orientale de soutenir vigoureusement leur alignement aux « idéaux de démocratie, de pluralisme, de respect des droits de l’homme »[18], typiquement occidentaux.
La préoccupation de François Mitterrand n’est pas infondée. Comme l’explique l’historien Eric Hobsbawm, nationalisme et ethnicité sont les premiers substituts adoptés par une société qui se désintègre : « quand une société chute, la nation semble être la dernière garantie »[19]. Source possible de xénophobie et d’intolérance, « le nationalisme est un moyen d’autojustification, un moyen de se débarrasser du sentiment écrasant d’avoir été lâché, d’avoir vécu de longues années dans l’indignité et dans l’humiliation », jusqu’au moment où les États se laissent tenter par « l’égoïsme » et « l’automystification »[20].
Le Président français voit très clairement ce problème, en rappelant que « ce serait tout à fait vain, inutile et dangereux de rechercher l’identité et la confusion »[21]. « Il convient aussi », explique François Mitterrand, « de résister à une vision fataliste et mécanique qui considérerait que les transformations du centre et de l’Est de l’Europe créent un vide dangereux que l’on chercherait, par un moyen miraculeux, à combler »[22].
Les craintes des dirigeants occidentaux sont partagées également par les anciens opposants des régimes communistes. C’est le cas de Vaclav Havel, principal opposant tchécoslovaque devenu Président en 1989 : « entre des dizaines de problèmes latents qui somnolaient sous la surface des pays soi-disant du socialisme réel, on trouve également le problème des identités nationales, des identités de différentes nations, au moment où cette écorce a éclaté tout d’un coup tout un nombre de problèmes en sont ressortis y compris le problème nationaliste »[23].
Selon la vision mitterrandienne, les principales causes de la résurgence des nationalismes seront les querelles sur les nouvelles frontières et sur les droits des minorités, problématiques qui n’ont pas été résolues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il faut souligner tout d’abord que, dans la conception diplomatique française, les deux questions découlent du même problème.
Frontières et minorités nationales : des questions en suspens.
François Mitterrand pense qu’« on ne peut pas remanier les frontières autrement qu’à l’amiable, d’une façon diplomatique. Tout cela peut se discuter mais pas par des moyens de force sous une forme ou sous une autre, force politique, force militaire, force économique. La seule réponse est dans le statut interne des actuels Etats européens »[24].
Dans cette citation, on peut retrouver les éléments radicaux de la stratégie mitterrandienne. En premier lieu, le refus d’utiliser la force et la violence pour gérer la transition démocratique à l’Est. Ensuite, la diplomatie comme seul moyen qui peut régler ces problématiques. Troisièmement, la volonté d’encadrer les équilibres géopolitiques dans un système paneuropéen.
Sur ce problème, les équilibres européens risquent de se briser. La Pologne, qui parvient à une quasi-indépendance vis-à-vis du Pacte de Varsovie durant l’année 1989, s’inquiète à plusieurs reprises de la possibilité que la frontière avec l’Allemagne puisse être remise en question[25].
Le Chancelier de la RFA[26], M. Helmut Kohl, occupé alors par la gestion de la transition allemande et les élections à venir dans son pays, se positionne pour une reconnaissance de la frontière avec la Pologne à la suite de la réunification de l’Allemagne. « Lorsque nous aurons un Parlement et un gouvernement commun à toute l’Allemagne, eh bien ce gouvernement et ce Parlement devront donner la réponse », dit-il pendant une conférence conjointe avec le Président français [27].
La position du Chef d’État français est à contre-courant par rapport à la période en question. En effet, pendant les années 1980, il a instauré avec le Chancelier un rapport très profond, qui a permis d’atteindre des niveaux historiques de proximité dans les relations franco-allemandes [28].
Néanmoins, il se montre extrêmement intransigeant et décidé à aller jusqu’au bout de ses intentions. Après avoir demandé que « les frontières à l’Est de l’Allemagne […] soient solennellement confirmées », il affirme résolu, juste à côté de Helmut Kohl : « la ligne Oder-Neisse doit être reconnue » [29].
Cette prise de position est justifiée, selon plusieurs chercheurs, par la préoccupation de François Mitterrand de voir s’affaiblir le rôle de la France dans les logiques continentales de pouvoir [30].
En réalité, son angoisse majeure était de voir une Allemagne redevenue puissante remettre en cause le système géopolitique et géographique issu de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Concernant la thématique des frontières, « il ne peut pas y avoir de neutralité mais il doit y avoir souci de respecter les équilibres en Europe, donc, de maintenir les lignes là où elles sont et de résister à la tentation de les avancer, ce qui serait une façon de troubler gravement le climat et l’équilibre européen »[31].
Vaclav Havel partage encore une fois la vision mitterrandienne : « nous avons mis en relief que le processus de l’unification de l’Allemagne devrait représenter une sorte de moteur véhiculant l’unification de l’Europe et pas son frein, qu’elle devrait avoir lieu dans le contexte européen et dans une atmosphère de confiance. C’est la tâche des Allemands de se débarrasser de quelques restes éventuels d’une grande Allemagne »[32].
D’ailleurs, les problèmes du tracé des frontières, selon François Mitterrand, sont strictement liés au respect des droit des minorités nationales. « L’intérêt de l’Europe aujourd’hui est de garantir les frontières », dit le Président français. Cependant, « la garantie des frontières ne doit pas être assortie d’une sorte de refus de considérer le sort des minorités lorsqu’elles sont opprimées »[33].
Le Président français affirme que le problème des minorités ne doit pas être réglé « par le bas, c’est-à-dire par l’examen de chaque minorité l’une après l’autre sous l’aspect de revendications de caractère national »[34]. Il ne peut pas y avoir « trente-six réponses possibles, […] soit le fédéralisme, en tout cas la décentralisation », soit « certaines formes de décisions autonomes à l’intérieur de la souveraineté de l’État »[35]. La gestion doit au contraire être dirigée « par le haut, c’est-à-dire par une organisation européenne qui disposera de règles communes et parmi ces règles il y aura le sort fait aux minorités »[36].
Comme on peut constater dans cette citation, la volonté persistante du Chef d’État français est d’encadrer tous les problèmes qui pouvaient engendrer des retours en arrière – c’est-à-dire à la guerre, vécue personnellement par le Président [37] – sous l’égide d’un contrôle continental. La logique supranationale est, selon sa vision, la seule méthode propre à garantir la paix dans une Europe qui a trop souvent connu les déchirures des conflits entre les peuples [38].
2) L’EUROPE ENTRE 1988 ET 1992. Le changement du rapport Est-Ouest, l’importance de l’histoire et la sécurité commune.
« L’Europe traverse comme un fil rouge la vie et l’action politique de François Mitterrand. Pendant plus d’un demi-siècle, il en a vécu tous les épisodes, connu tous les acteurs »[39].
Après quarante ans de division provoqués par la Guerre froide, les deux parties de l’Europe sont en train de se rapprocher. Le système européen « reprend l’allure qu’il avait à la veille du premier conflit mondial, un système homogène d’États-nations qui requiert l’adhésion des principaux acteurs à un code de comportement, à un certain type de structures et de procédures internationales, à un resserrement du tissu social international»[40].
François Mitterrand, pendant l’allocution prononcée en visite d’État à Budapest le 18 janvier 1990, tente de décrire la situation de ce début de décennie. « Aujourd’hui, le visage de l’Europe change, plus vite et plus profondément que quiconque, il y a encore un an, quelques mois, n’eût osé l’espérer. Grâce au courage des peuples et grâce à ceux qui ont compris qu’il était temps que la liberté retrouvât ses droits, cette fin de siècle voit la renaissance de l’Europe »[41].
« Vous êtes d’Europe autant que nous »[42].
« Nous appartenons, en dépit des accidents et des séparations de l’histoire, à une civilisation, celle de l’Europe » [43].
L’histoire est à la base de la conception mitterrandienne de l’Europe[44]. Le Président français est déterminé à éviter de répéter les erreurs faites par les gouvernements européens dans le passé. Il évoque à plusieurs reprises « l’autodestruction de l’Europe au cours de deux grandes guerres mondiales » et les « désastres qui s’en sont suivis, en particulier la disparition de l’Europe en tant que partenaire des affaires mondiales »[45].
Il tient à parler, dans ses interventions, des pères fondateurs de l’Europe, en soulignant qu’il les a tous connus et qu’il a essayé « d’en tirer leçon et enseignement »[46] : aux Assises de Prague, il cite par exemple Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, Maurice Faure, Konrad Adenauer, Jean Monnet, Alcide De Gasperi[47].
Dans presque tous les voyages analysés dans ce travail, il parle de l’« histoire commune » entre les peuples de l’Est et de l’Ouest, « plus commune qu’on ne le sait et qu’on ne le pense généralement »[48].
La stratégie française d’utiliser l’Histoire prévoit deux moments principaux. Le premier, quand François Mitterrand énumère tous les personnages qui ont créé un lien entre la France et le pays visité [49]. Le deuxième, à travers la présentation de ce que l’Europe avait et qu’elle a perdu à cause de la guerre. C’est le cas de l’allocution du Président dans un lieu symbolique, l’Université de Sofia. « Je ne puis, pour ma part, me résigner à admettre que ce qui allait de soi au Moyen-Age – la circulation des étudiants, des savants, des professeurs, des idées, de Cracovie à Salamanque, de Bologne à la Sorbonne – soit aujourd’hui inaccessible »[50]. Pendant son voyage à Budapest – entre 18 et 19 janvier 1990 – il insiste sur ce point, en rappelant que tous les peuples européens ont « appartenu à un monde au temps où l’Europe était grande, où les distances étaient éloignées » et où les deux côtés du continent appartenaient à des alliances et à des empires différents. Mais malgré cela, rappelle le Chef d’État français, « les circuits intellectuels ont été très forts, très puissants »[51].
Si on connait très bien la position occidentale sur ce sujet, on n’a pas une idée claire de la façon dont la partie est-européenne a interprété cette renaissance de la « Grande Europe ». Une suggestion intéressante est portée par Adam Michnik, ancien opposant du régime communiste et écrivain polonais, dans son livre La deuxième révolution, daté de 1990. Il explique que, pour les anciennes républiques socialistes, adhérer aux logiques européennes ne veut pas dire seulement appliquer « le parlementarisme, les libertés civiques et l’économie de marché ». Cette adhésion est aussi « un débat sur la forme de l’”État de prospérité”, sur le développement de l’autogestion », outre que « un acte de foi dans l’européanisation de toute la partie orientale de notre continent, y compris la Russie »[52].
Selon l’auteur, la conception « est-européenne du retour dans l’Europe signifie se rallier à certains traits de la culture européenne. Elle signifie le désir d’opposer aux dogmes totalitaires du communisme une distance critique envers soi, la tolérance dans la vie sociale et un scepticisme intellectuel, la nécessaire confrontation des idées dans la vie publique, juridique et intellectuelle »[53]. Michnik termine son raisonnement en expliquant que, néanmoins, tout cela ne veut pas dire forcement imiter les structures qui régissent les pays occidentaux.
La Communauté Economique Européenne face à la transition à l’Est.
« L’Europe, c’est évident, ne sera plus celle que nous connaissons depuis un demi-siècle. Hier, dépendante des deux superpuissances, elle va, comme on rentre chez soi, rentrer dans son histoire et sa géographie » [54].
Au lendemain de l’obtention de leur autonomie par rapport à l’URSS et au Pacte de Varsovie, les pays d’Europe centrale et orientale ont pour objectif prioritaire d’entrer, dans les meilleurs délais, dans la CEE [55].
François Mitterrand craint que cette adhésion précoce empêche les institutions de l’Europe de l’Ouest de poursuivre le chemin de l’intégration économique, monétaire et politique[56]. Le Président français pense que « les nouvelles démocraties (ou qui vont bientôt l’être) […] ne seront pas en état, avant des années, d’entrer dans la Communauté sans se détruire économiquement ni la détruire budgétairement et institutionnellement »[57]. L’intégration des apparats communautaires et la création des nouveaux rapports bilatéraux avec les anciennes républiques socialistes sont pour lui « des éléments complémentaires et non pas contradictoires. Il est complémentaire de renforcer l’Europe des Douze et de penser dès maintenant aux mécanismes et aux institutions qui pourraient permettre aux pays de l’Europe de l’Est qui le souhaiteront de travailler avec les pays de la Communauté »[58].
Les aspects politiques prévalent sur les aspects économiques dans la logique présidentielle. C’est pour cette raison que le Chef d’État français « juge imprudent de forcer la conversion rapide des PECO au modèle capitaliste »[59]. Toutefois, cette prudence sera interprétée par les nouvelles démocraties comme « une manœuvre française destinée à les empêcher d’entrer dans la Communauté »[60], en privilégiant les intérêts occidentaux.
La sécurité commune en Europe. Un plan à redessiner.
La construction d’un système de sécurité et de défense européen reste, pendant la période 1989-1995, l’objectif principal du Président français. L’Europe doit « sortir de l’ordre établi qu’elle connaît depuis quarante-cinq ans » et doit subséquemment « en bâtir un nouveau ». Il ne reste que deux options, selon François Mitterrand : « ou bien la tendance à l’éclatement, à l’émiettement s’accroîtra et nous retrouverons l’Europe de 1919 – on connaît la suite – ou bien l’Europe se construira »[61].
La première étape, on l’a vu, est l’encadrement de la réunification allemande dans une plus vaste réunification européenne. Helmut Kohl, en janvier 1990, explique clairement que « les questions allemandes sont liées aux questions européennes et internationales. Questions de désarmement, développement des relations entre les deux pactes, Pacte de Varsovie et OTAN. […] Ce qui se passe aujourd’hui dans l’Europe centrale, en Allemagne, ne doit pas, ne peut pas toucher l’équilibre de l’Europe de manière négative »[62].
C’est très intéressant de noter que le Chancelier allemand, sur ce sujet, adopte une stratégie similaire à celle du Président français, en utilisant l’Histoire comme point de départ de ses décisions : « il y a trente-cinq ans, Konrad Adenauer en une seule phrase donnait la bonne direction lorsqu’il disait, et cela vaut encore pour aujourd’hui : “la question allemande ne peut être résolue que sous un toit européen”. […] Cela reste la politique que je poursuis, pour la République fédérale d’Allemagne »[63].
La création de ce nouveau système de sécurité continentale doit se baser, dans la vision diplomatique française, sur trois piliers.
Dans un premier temps, il faut s’appuyer sur les institutions existantes. C’est le cas de la Conférence sur la sécurité et la coopération européenne (CSCE). « Avec vingt autres pays représentant l’essentiel des forces militaires présentes sur ce continent […], le 19 novembre dernier » a été signé « le Traité sur la réduction des forces armées classiques en Europe qui met fin à plus de quarante ans de guerre froide », explique François Mitterrand lors d’un diner avec M. Lech Walesa, Président polonais, le 9 avril 1991 [64].
Le deuxième pilier est le renforcement des organismes déjà existants et fonctionnants. La CEE, en particulier : « nous avons la conviction que rien de stable ne se construira en Europe si cette Communauté ne se renforce pas ». Il tient en outre à souligner que ce renforcement « ne procède pas […] de la volonté de refermer la Communauté sur elle-même », « mais de lui donner ses propres assises »[65].
Enfin, il faut mettre en place des nouvelles institutions européens communes. Ce sera le cas de la proposition de la Confédération européenne, traitée en détail dans le troisième chapitre de ce travail.
Cette stratégie française doit se confronter – outre que à la volonté des PECO d’adhérer tout de suite aux organismes existants – au rôle que les États-Unis devront jouer dans le futur. Le Chef d’État français pense que, avec la fin du système de Yalta et de la Guerre froide, l’Europe doit reprendre en mains les responsabilités liées à la sécurité continentale. Les Américains, dans ce contexte, « sont toujours les bienvenus, dès lors qu’ils se sentent fils de l’Europe et qu’ils ne souhaitent pas exagérément en être les pères »[66]. On verra dans le troisième chapitre que cette volonté mitterrandienne de donner un rôle limité aux États-Unis par rapport à la sécurité européenne n’aura pas la suite espérée[67].
« La situation en Europe centrale et orientale », a écrit Eric Hobsbawm en 1990, « montre que la séparation ethnolinguistique n’offre aucune base à une organisation stable du globe »[68]. La problématique est extrêmement actuelle, car on peut constater qu’aujourd’hui la CEE n’arrive pas encore à démontrer sa capacité d’action collective dans le domaine de la diplomatie internationale et de la sécurité continentale.
3) LES PROPOSITIONS DE LA FRANCE POUR RÉGLER LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE EN EUROPE CENTRE-ORIENTALE.
Il ne reste plus qu’à aborder, dans ce dernier chapitre, les projets français pour repenser la construction de l’Europe pour l’avenir.
L’objectif de la France est de donner une réponse immédiate aux pays de l’Est et de « leur ouvrir l’horizon »[69]. Ce propos, partagé tout d’abord entre François Mitterrand et Vaclav Havel, est divisé en étapes successives : « la création d’une commission pour la sécurité en Europe, […] une organisation des États européens, on peut dire à l’image un peu de l’organisation des États américains, et enfin le débouché sur une Confédération européenne, ce en quoi on rejoint le projet que j’ai moi-même lancé le 31 décembre 1989 » [70].
Le projet de la Confédération européenne [71].
Ce projet se base sur la volonté française d’offrir aux nouvelles démocraties des solutions alternatives à l’adhésion à la CEE [72]. Frédéric Bozo a résumé les objectifs de cette Confédération en trois points.
En premier lieu, proposer à tous les Européens un cadre où se retrouver sur un pied d’égalité et où discuter ensemble des affaires qui les concernent. En deuxième lieu, arrimer les PECO à l’Europe de l’Ouest, pour éviter une tendance centrifuge. Enfin, créer une zone de prospérité européenne [73].
Il est fondamental d’atteindre le « maximum d’efficacité avec le minimum des structures »[74]. La Confédération répondra aux objectifs présentés avec un système à trois niveaux. Concertation politique tout d’abord, où les chefs d’Etats se retrouveront en alternance avec les sommets de la CSCE et les réunions des ministres de l’étranger. Décision opérative ensuite, où les ministres compétents décident des actions concrètes en fonction des directives politiques. En troisième lieu, gestion des projets par les organismes existants ou en créant de nouveaux [75].
Dans l’optique de François Mitterrand, ce projet vise à mettre en place une « organisation commune et permanente d’échanges, de paix et de sécurité », pour éviter que la CEE ignore les « pays voisins qui n’ont pas connu depuis peu de temps la même histoire, mais dont les racines plongent tout autant que les nôtres dans la réalité de l’Europe »[76]. Les caractéristiques de cette Confédération sont énumérées par le Chef d’État français lors de la Conférence de presse conjointe avec M. Havel, en 1990 :
« Premièrement que tous les Etats d’Europe d’inspiration démocratique puissent se retrouver. Deuxièmement : dans une organisation commune. Troisièmement : avec des droits égaux. Quatrièmement : pour débattre des quelques domaines qui leur seront communs : sécurité, échanges économiques, échanges commerciaux, échanges culturels, et sans doute un certain nombre de grands projets de caractère technologique, sans oublier l’environnement, ces derniers domaines échappant à toute notion de frontières » [77].
Il faut souligner que, dans un premier temps, l’idée mitterrandienne a été bien accueillie par les autres chefs d’Etat européens.
Du coté occidental, Helmut Kohl tient à exprimer son soutien à la création « dans les années 1990 » d’un système d’intégration « pour les pays européens qui se trouvent en dehors de la Communauté et qui ont un État de droit libéral »[78].
Du coté oriental, en plus de la déjà citée approbation de M. Vaclav Havel, on peut aussi constater un consensus de la part de la Hongrie, où le Chef d’État français se rend en janvier 1990.
Toutefois, de nombreux chercheurs et acteurs politiques de l’époque – dont Roland Dumas [79] – ont souligné que le Président français a contribué involontairement à l’échec du procès, en augmentant la distance entre les pays européens de l’Ouest et de l’Est. À la vieille des Assises de Prague – la première rencontre paneuropéenne pour décider des moyens de construction de cette nouvelle Confédération –, François Mitterrand accorde une interview à Radio France internationale. Il met en garde sur le risque que les pays d’Europe centrale et orientale – « qui sont dans un état de délabrement tout à fait inquiétant » – ne supporteront pas « une très rude concurrence économique » avec les membres de la CEE et qu’ils pourront « être alors complètement dévorés par cette compétition »[80]. Ensuite, il refuse la possibilité que l’adhésion des PECO fera de la CEE une simple « zone de libre échange ». Enfin, et pire, il dit que la « phase intermédiaire » entre cette intégration communautaire et l’entrée des nouvelles démocraties « peut durer des dizaines et des dizaines d’années » [81].
Tout d’un coup, l’atmosphère change. Avec l’interview de François Mitterrand, « la suspicion des PECO quant à leur marginalisation étant confirmée » [82], en rendant « les pays d’Europe centrale et orientale encore plus sceptiques à l’égard de toute nouvelle initiative française à partir de cette période » [83]. Ce grand malentendu – pour utiliser le mot de Bernard Lecomte [84] – se révèle encore plus profond le jour des Assises, lors de l’intervention du Président tchécoslovaque. « L’essentiel du discours de Havel est une démonstration de ce que ne doit pas faire la Confédération, c’est-à-dire se substituer aux institutions existantes en matière de sécurité (CSCE, OTAN), de droits de l’Homme (Conseil de l’Europe) et surtout à la Communauté européenne qui reste l’objectif prioritaire des pays d’Europe centrale » [85].
Les autres projets français.
Que reste-t-il de l’action de la diplomatie française, après la défaite du projet de la Confédération européenne ? Sûrement, les plans concernant les domaines de l’énergie, l’environnement, la circulation des personnes, la culture et la technologie, comme le programme Eureka déjà cité [86].
L’engagement français a aussi impliqué une plus forte coopération entre les Universités des deux parties anciennement divisées de l’Europe. Comme le souligne François Mitterrand aux étudiants bulgares, en 1989, « la meilleure garantie de votre identité nationale et de vos droits personnels c’est à mon sens, l’Europe » et c’est pour cela qu’il faut « développer les échanges de professeurs et d’étudiants »[87].
À cela s’ajoute le fait que la plupart des PECO ont bénéficié de l’aide venu de la CEE – et des États-Unis – pour gérer la difficile transition qui avait impliqué la chute rapide de l’URSS et de ses structures.
Comme Jacques Attali a expliqué en janvier 1994, « étrange ironie, la France et son Président, auxquels on a si injustement reproché de ne pas avoir vu venir, d’avoir même freiné le dégel de l’Est, ont été, en fait, à l’origine de la seule institution que l’Occident a su mettre en place jusqu’ici pour y aider ».[88] Il parle évidemment de la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, mise en place le 15 avril 1991 et ayant siège à Londres. Avec un capital initial de « 10 milliards d’écus », son objectif était de « financer la transformation économique en cours à l’Est ou au centre de l’Europe »[89], sans toutefois transformer ces pays en clients [90]. Elle aura un impact important sur la transition des nouvelles républiques vers l’économie de marché. Toutefois, comme on peut le constater, la réalisation de la BERD représente au mieux le constat que la politique a été encore une fois mis à l’écart par la prédominance des aspects économiques. Ce constat doit nous faire réfléchir par rapport à la situation actuelle de notre continent.
CONCLUSION.
À la lumière des éléments énoncés précédemment, il est crucial de considérer l’aspect chronologique de cette démarche mitterrandienne. Cet élément est significatif, dans la mesure où le Président français tire sa force de vrai leader en Europe grâce à sa réélection en 1988, qui renforce sa légitimité tant en France que sur le continent.
Samy Cohen, dans son livre Mitterrand et la sortie de la Guerre froide, explique clairement les raisons qui portent le Chef d’État français à intervenir en Europe de l’Est. Selon l’auteur, « le maitre mot ou le dénominateur commun » de cette action présidentielle, « c’est sans doute “préserver” : les frontières face à la réunification allemande, l’intégration européenne face au réveil des nationalismes, certain “acquis”, l’idée d’une “troisième voie” entre l’effondrement du communisme oriental et le triomphe du capitalisme occidental »[91].
L’accent a été également mis sur les formes du processus de transition des nouvelles démocraties, qui était en train de passer d’un système impérial – dont le noyau était implanté à Moscou – à un système communautaire d’États nationaux, coordonné par Bruxelles. Ce dernier, du fait de la situation internationale et du processus d’intégration en cours en son sein, ne saura arriver que partiellement à représenter le nouveau pivot du pouvoir politique européen. D’une part, il ne semble pas adapté à donner une réponse cohérente, efficace et unitaire aux conflits qui, à la fin du XX siècle, sont en train de bouleverser les stabilités politiques mondiaux ; d’autre part, les organismes communautaires sont limités par l’influence des États-Unis [92].
Les projets initiaux sont mis également en difficulté par une conflictualité géopolitique globale particulièrement accentuée dans cette période. À titre d’exemples, on peut citer la guerre de Yougoslavie, qui débute en 1991[93], ou les bouleversements en Moyen Orient, avec la guerre en Iraq[94].
Il faut mettre en relation cette intervention de la France à l’Est, interprétée à plusieurs reprises comme une sorte d’occidentalisation, avec l’actuelle montée des nationalismes en Europe centre-orientale et au clivage dans l’Union européenne d’aujourd’hui[95]. La diffusion de ces idéologies dans plusieurs anciennes républiques socialistes met en évidence les limites de la diplomatie occidentale dans son action en Europe de l’Est. Les années 1990 marquent le début d’une ère nouvelle de la géopolitique européenne, et François Mitterrand l’avait prévu depuis l’année 1989. Toutefois, sa volonté de mettre finalement en place un système pour rendre l’Europe réellement indépendante, au niveau politique, n’a pas eu le résultat attendu.
Il semble intéressant, pour finir, de mettre en évidence une phrase, que François Mitterrand reprend de Jules Michelet et qu’il cite pendant les Assises de Prague : « Ce qu’il y a de moins simple, de moins naturel, de plus artificiel, c’est-à-dire de moins fatal, de plus humain et de plus libre dans le monde,
[1] De Tocqueville, Alexis. L’ancien régime et la révolution. Michel Lévy Frères, 1859. Cf. Gati, Charles, The Bloc that failed. Soviet-East European Relations in Transition, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, 1990, p. 1.
[2] Pour approfondir ce sujet, voir aussi la vidéo dans le site fresques.ina.fr dédiée à François Mitterrand :
https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00307/l-acte-unique-europeen.html
[3] Pour approfondir ce sujet, voir aussi les vidéos dans le site fresques.ina.fr dédiée à François Mitterrand :
- https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00080/francois-mitterrand-s-exprime-sur-le-traite-de-maastricht.html
- https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00128/francois-mitterrand-apres-la-ratification-de-maastricht.html
[4] « Les bouleversements à l’Est ont surpris la Communauté au milieu du gué. Redisons-le : il n’a pas manqué de Cassandres, pendant l’hiver 1989-1990, pour prédire qu’elle n’atteindrait jamais l’autre rive. La désagrégation de l’Est allait miner la cohésion de l’Ouest», selon la vision de deux protagonistes de l’époque : Jean Musitelli et Hubert Védrine. Cf. Védrine, Musitelli. Les changements des années 1989-1990 et l’Europe de la prochaine décennie. In: Politique étrangère, n°1 – 1991 – 56ᵉannée., p. 173.
Voir aussi Soutou, G.H., La Guerre froide de la France 1941-1990, Tallandier, 2018, p. 459 : « Ce confort intellectuel explique sans doute que la diplomatie française n’ait guère vu venir l’automne de 1989 et qu’elle n’ait admis la réalité inéluctable d’une réunification allemande pure et simple qu’après les élections en RDA de mars 1990 ».
[5] « La Communauté pourrait […] se montrer à la hauteur des aspirations dirigées vers elle et constituer un pôle de stabilité pour l’”autre Europe” ». Cf. Cohen-Tanugi, Laurent, L’Europe en danger, Paris, Fayard, 1992, p. 14.
[6] « La politique française trouvait en fait son identité grâce aux circonstances exceptionnelles induites par la guerre froide qui maintenait l’Allemagne divisée, évitait à la France, pour la première fois dans son histoire, de se retrouver en première ligne dans les tensions européennes et qui valorisait son rôle international ». Cf. Soutou, op. cit., p. 458-459.
[7] Védrine, Musitelli, op. cit., p. 173.
[8] Pays d’Europe centrale et orientale.
[9] Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur les relations franco-polonaises, le Traité d’amitié et de solidarité, la sécurité, la construction européenne et l’aide aux pays de l’Est, Paris le 9 avril 1991.
[10] Zorgbibe, Charles. L’après-guerre froide en Europe. Paris, Presses universitaires de France, 1993, p. 92-93.
[11] Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur la réunification de l’Allemagne et l’équilibre de l’Europe face à ce problème ainsi que sur la situation politique en Roumanie, le désarmement et les accords de coopération entre la France et la RDA, Berlin le 22 décembre 1989.
[12] Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur les relations franco-hongroises, la construction de l’Europe et la proposition de confédération européenne, Budapest le 18 janvier 1990.
[13] Idem.
[14] Conférence de presse de M. François Mitterrand, Berlin le 22 décembre 1989, cit.
[15] Cohen, Samy. Mitterrand et la sortie de la guerre froide. Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 194.
[16] Ibid., p. 205.
[17] Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à la télévision hongroise, le 15 janvier 1990, notamment sur les relations entre les pays d’Europe occidentale et les pays d’Europe de l’Est et sur les relations entre la France et la Hongrie.
[18] Allocution de M. François Mitterrand, Budapest le 18 janvier 1990, cit.
[19] Hobsbawm, Eric J. Nations and nationalism since 1780: Programme, myth, reality. Cambridge University Press, 2012, p. 319.
[20] Michnik, Adam, La deuxième révolution, Paris, La Découverte, 1990, p. 75.
[21] Conférence de presse de M. François Mitterrand, Budapest, le 19 janvier 1990, cit.
[22] Allocution de M. François Mitterrand, Paris le 9 avril 1991, cit.
[23] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République, et de M. Vaclav Havel, Président de la République tchécoslovaque, notamment sur la situation dans les pays Baltes et en Lituanie et la réunification allemande face à la construction européenne, Paris, le 20 mars 1990.
[24] Interview de M. François Mitterrand, accordée à la télévision hongroise, le 15 janvier 1990, cit.
[25] Les dirigeants polonais partagent cette crainte dans leurs échanges diplomatiques avec la France. Cf. CADN (Centre des archives diplomatiques de Nantes), Ambassade français à Varsovie, Série EU.IV.4, TD VARSOVIE 1839, 06 décembre 1989, Question allemande. Déclaration du Général Jaruzelski et article d’Adam Michnik. Dans cette télégramme, M. Claude Harel, Ambassadeur de France en Pologne, cite les mots de M. Jaruzelski : « dans le passé, les revendications d’une unification de l’Allemagne se sont toujours accompagnées de tendances expansionnistes, débouchant sur des événements tragiques pour l’Europe. […] Le problème allemand est aussi l’affaire commune de tous les Etats d’Europe… la position peu claire et ambivalente de certains milieux influents en RFA pour ces questions-clés éveille la méfiance et l’inquiétude dans de nombreux pays et, pour des raisons aisément compréhensibles, cela concerne tout spécialement la Pologne. […] Toute violation des principes qui créent cet équilibre sur notre continent serait foncièrement contraire au sentiment de sécurité, à l’esprit et à la lettre de l’Acte final de la CSCE ». L’ambassadeur continue en citant M. Adam Michnik, qui dans un article sur Gazeta Wyborcza écrit que « le nationalisme allemand éveille en Pologne des réactions et des émotions qui mettent l’avenir en danger ».
[26] République Fédérale Allemande.
[27] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République et de M. Helmut Kohl, Chancelier de RFA, notamment sur la date de la conférence intergouvernementale concernant l’union économique et monétaire, sur le refus de neutralité de l’Allemagne réunifiée et sur la tenue d’un sommet européen extraordinaire, Paris le jeudi 15 février 1990. https://www.vie-publique.fr/discours/140014-conference-de-presse-conjointe-de-m-francois-mitterrand-president-de-l
[28] On peut citer comme exemple le geste accompli à Verdun le 22 septembre 1984. Ce jour-là, devant l’ossuaire de Douaumont, les deux présidents décident de se serrer la main, en réalisant un acte unique dans l’histoire de ces deux peuples. Voir à ce propos Verdun, le geste Mitterrand-Kohl, article publié dans le site de l’Institut François Mitterrand. https://www.mitterrand.org/Verdun-le-geste-Mitterrand-Kohl.html. Pour approfondir, voir l’article de Georges Saunier publié dans le site de l’IFM : https://www.mitterrand.org/Verdun-le-geste-Mitterrand-Kohl.html#nh2 . Voir aussi la vidéo dans le site fresques.ina.fr dédiée à François Mitterrand : https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00033/mitterrand-kohl-le-geste-de-verdun.html
[29] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Helmut Kohl, Paris le jeudi 15 février 1990, cit.
[30] Il faut regarder ce problème en comprenant que François Mitterrand « est sensible au fait que derrière la fin du système de Yalta se profile aussi celle du système de Versailles : plus de Yougoslavie ni de Tchécoslovaquie, anciens allies de la France a sein de la Petite Entente. La France se retrouvait orpheline d’une Europe de l’Est qu’elle avait contribué à créer au lendemain de la Première Guerre mondiale, craignant par là même la reconstitution d’une Mitteleuropa comme sphère d’influence allemande ». Cf. Cohen, op. cit., p. 205-206. Voir aussi les notes 13 et 14.
[31] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Helmut Kohl, Paris le jeudi 15 février 1990, cit.
[32] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Vaclav Havel, Paris, le 20 mars 1990, cit.
[33] Conférence de presse de M. François Mitterrand, Budapest, le 19 janvier 1990, cit.
[34] Idem.
[35] Interview de M. François Mitterrand accordée à la télévision hongroise, le 15 janvier 1990, cit.
[36] Conférence de presse de M. François Mitterrand, Budapest, le 19 janvier 1990, cit.
[37] « Le nationalisme, c’est la guerre ! », dit-il pendant sa dernière allocution au Parlement européen réuni en séance plénière à Strasbourg le 17 janvier 1995. Voir à ce propos : https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00129/le-nationalisme-c-est-la-guerre.html
[38] « Dans l’idée que j’ai de ce que pourrait être l’organisation future de l’Europe au cours des prochaines années, je considère qu’un statut des minorités permettrait le règlement de beaucoup de cas souvent tragiques. Sans s’en prendre aux frontières, donc à l’intégrité des États, mais en reconnaissant le droit des populations ». Cf. Conférence de presse de M. François Mitterrand, Budapest, le 19 janvier 1990, cit.
[39] Jean Musitelli, François Mitterrand, l’européen, 2 juin 2004. Article publié dans le site de l’Institut François Mitterrand : https://www.mitterrand.org/Francois-Mitterrand-l-europeen.html
[40] Zorgbibe, op. cit., p. 92-93.
[41] Allocution de M. François Mitterrand, Budapest le 18 janvier 1990, cit.
[42] Idem.
[43] Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur les relations culturelles franco-bulgares et le rapprochement entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, Université de Sofia, jeudi 19 janvier 1989.
[44] « Le changement qui s’est produit ces derniers mois dans les pays de l’Est dépasse, en importance, tout ce que nous avons connu depuis la Seconde Guerre mondiale et s’inscrit, sans aucun doute, parmi les grands événements de l’histoire ». Cf. Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l’occasion de la présentation de ses vœux, Paris, dimanche 31 décembre 1989.
[45] Interview de M. François Mitterrand accordée à la télévision hongroise, le 15 janvier 1990, cit.
[46] Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le projet de confédération européenne et la future architecture de l’Europe, Prague, le 14 juin 1991.
[47] Voir à ce propos le site du “Réseau des maisons et fondations politiques des pères de l’Europe du Parlement européen”, que l’Institut François Mitterrand a intégré en mai 2019.
[48] Allocution de M. François Mitterrand, Université de Sofia, jeudi 19 janvier 1989, cit.
[49] À l’Université de Sofia, par exemple, il parle de « Villehardouin, notre chroniqueur historien, sous les remparts de Veliko Tarnovo […] ; notre grand poète Ronsard […] ; Lamartine et Victor Hugo, c’est dans toutes les mémoires. Ils ont embrassé votre cause nationale, avec quel éclat et quelle passion. […] votre grand poète, Ivan Vasov, sur la tombe duquel je me suis recueilli hier soir et qui pratiquait avec une grande ferveur la langue française ».
La même procédure sera adoptée lors de la visite de M. Lech Walesa à Paris, du 9 au 11 avril 1991 : « Je pourrais […] évoquer ici beaucoup de figures très chères qui ont marqué des pages lumineuses ou douloureuses de l’histoire de nos peuples, tous ces destins croisés que connurent tant de Polonais et de Français […]. Votre pays a été le premier et le plus constant dans la lutte contre le système qui lui avait été imposé. Souvenons-nous des épreuves de 1956, des frémissements de 1976 et de l’immense espoir de 1980 que vous avez incarné […] ».
[50] Allocution de M. François Mitterrand, Université de Sofia, jeudi 19 janvier 1989, cit.
[51] Cf. Conférence de presse de M. François Mitterrand, Budapest, le 19 janvier 1990, cit.
[52] Michnik, op. cit., p. 76-77.
[53] Idem.
[54] Allocution de M. François Mitterrand à l’occasion de la présentation de ses vœux, Paris, dimanche 31 décembre 1989, cit.
[55] Vaclav Havel, par exemple, juge que les pays de l’Est « ont été repoussés de cette Europe dans le passé et ils souhaitent tous y revenir ». L’explication est très nette, de la part du Président tchécoslovaque : « nous ne pourrons évoluer qu’au sein d’une Europe stabilisée ». Cf. Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Vaclav Havel, Paris, le 20 mars 1990, cit.
[56] « L’attraction des idéaux communautaires de démocratie, des Droits de l’Homme, de progrès économique, a été forte à l’Est, au moment des révolutions de 1989. Elle doit le rester. Nous ne devons pas faire naître d’illusions et particulièrement celle d’une adhésion facile à la Communauté ». Cf. Allocution de M. François Mitterrand, Paris le 9 avril 1991, cit.
[57] Védrine, Hubert. Les mondes de François Mitterrand: à l’Elysée, 1981-1995. Paris, Fayard, 1996, p. 448.
[58] Interview de M. François Mitterrand accordée à la télévision hongroise, le 15 janvier 1990, cit.
[59] Orban, Franck. La France et la puissance: perspectives et stratégies de politique étrangère (1945-1995). Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2011, p. 345.
[60] Védrine, op. cit., p. 448
[61] Allocution de M. François Mitterrand, Paris, dimanche 31 décembre 1989, cit.
[62] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Helmut Kohl, Paris le jeudi 15 février 1990, cit.
[63] Idem.
[64] « Deux jours après cette date que j’évoque, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, signée par les 34 chefs d’Etat et de gouvernement de la CSCE, a fixé le cadre qui régit désormais les relations entre les États membres et a confirmé le nouveau départ de l’Europe que je voudrais réconciliée ». Cf. Allocution de M. François Mitterrand, Paris le 9 avril 1991, cit.
[65] Idem.
[66] Allocution de M. François Mitterrand, Prague, le 14 juin 1991, cit.
[67] « Americans, in particular, will no longer be able to distinguish between friends and adversaries, NATO and the Warsaw Pact, democrats and communists. There will be no alternative in the 1990s to exchanging the simplicity of a divided Europe for the complexity of a united Europe ». Traduction : « Les Américains, en particulier, ne sont plus en mesure de distinguer entre amis et adversaires, OTAN et Pacte de Varsovie, démocratiques et communistes. Pendant les années 1990, il n’y aura plus d’alternatives à l’échange de la simplicité d’une Europe divisée contre la complexité d’une Europe unie ». Cf. Gati, op. cit., p. VI.
[68] Hobsbawm, op. cit., p. 338.
[69] Interview de M. François Mitterrand accordée à la télévision hongroise, le 15 janvier 1990, cit.
[70] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, et de M. Vaclav Havel, Paris, le 20 mars 1990, cit.
[71] Pour approfondir le sujet de la Confédération européenne, voir Musitelli, Jean. François Mitterrand, architecte de la Grande Europe: le projet de Confédération européenne (1990-1991). Revue internationale et stratégique 2 (2011). Article publié aussi dans le site de l’Institut François Mitterrand : https://www.mitterrand.org/Francois-Mitterrand-architecte-de.html.
[72] Bozo, Frédéric. Mitterrand, la fin de la Guerre froide et l’unification allemande: de Yalta à Maastricht. Odile Jacob, 2005, p. 170. L’auteur explique que la Confédération était pensée pour ne pas renoncer à l’idée de la « Grande Europe » en poursuivant entre temps le renforcement de la « petite », c’est-à-dire la CEE.
[73] Bozo, op. cit., p. 349.
[74] Idem.
[75] Ibid., pp. 350-351
[76] Allocution de M. François Mitterrand, Budapest le 18 janvier 1990, cit.
[77] Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Vaclav Havel, Paris, le 20 mars 1990, cit.
[78] Le chancelier ajoute qu’ « on peut appeler cela une confédération, on peut trouver un autre nom mais l’idée est juste ». Cf. Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand et de M. Helmut Kohl, Paris le jeudi 15 février 1990, cit.
[79] Dumas, Roland. Un projet mort-né : la Confédération européenne. In: Politique étrangère, n°3 – 2001 – 66ᵉannée, p. 697.
[80] Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, à Radio France internationale le 12 juin 1991, sur le projet de confédération européenne et la position de la France vis-à-vis de l’adhésion des pays de l’Est à la CEE.
[81] Idem.
[82] Orban, op. cit., p. 349.
[83] Idem.
[84] Lecomte Bernard, François Mitterrand et l’Europe de l’Est : le grand malentendu, Commentaire, 1996/3 (Numéro 75), p. 577-586.
[85] Cohen, op. cit., p. 202
[86] Pour approfondir ce sujet, voir aussi la vidéo dans le site fresques.ina.fr dédiée à François Mitterrand :
[87] Allocution de M. François Mitterrand, Université de Sofia, jeudi 19 janvier 1989, cit.
[88] Védrine, op. cit., p. 449
[89] Allocution de M. François Mitterrand, Paris le 9 avril 1991, cit.
[90] Conférence de presse de M. François Mitterrand, Berlin le 22 décembre 1989, cit.
[91] Cohen, op. cit., p. 191.
[92] « Roland Dumas, qui est alors Ministre des Affaires étrangères, notera a posteriori une coïncidence frappante entre l’enterrement du projet de Confédération aux Assises de Prague et le début d’une offensive diplomatique et financière américaine qui voit les premiers dollars arriver dans les pays d’Europe de l’Est ». Cf. Orban, op. cit., p. 349.
[93] Pour approfondir ce sujet, voir aussi la vidéo dans le site fresques.ina.fr dédiée à François Mitterrand : https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00206/conference-de-presse-de-francois-mitterrand-a-propos-de-la-crise-en-yougoslavie.html
[94] Pour approfondir ce sujet, voir aussi la vidéo dans le site fresques.ina.fr dédiée à François Mitterrand : https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00157/francois-mitterrand-face-a-la-guerre-du-golfe.html
[95] « À voir ce grand corps sans tête qu’est devenue l’Union européenne, cet ensemble flou sans vision de son propre avenir ni conscience de sa propre identité, on est en droit de penser que l’architecture ambitieuse imaginée par François Mitterrand aurait peut-être épargné bien des mécomptes actuels ». Cf. Musitelli, “François Mitterrand, architecte de la Grande Europe cit., p. 20.