La politique agricole des gouvernements de gauche entre 1981 et 1995 constitue l’essentiel de ce numéro de « La Lettre ». Ce sujet important est trop peu souvent étudié.
Est-ce par conviction que, les « paysans » votant à droite, la gauche ne peut avoir mené envers eux que des politiques méfiantes et vexatoires ? Est-ce que l’avenir de la profession d’agriculteur est un sujet dépassé ? Ces questions ont-elles échappé aux hommes politiques français au profit des « technocrates » de Bruxelles ? Pourtant le (...)
Les deux septennats de François Mitterrand ont été marqués par des rendez-vous décisifs pour l’avenir de l’Europe et l’agriculture française. Cette période est celle du basculement définitif du paysan vers le producteur agricole, certes avec des rythmes et des intensités variables selon les productions ou les régions.
Cette transition était inéluctable dès lors que la France voulait maintenir sa place prépondérante, économique et politique, dans l’Europe agricole et la construction européenne. Il fallait (...)
En 1981, l’agriculture française représente 4 % du produit intérieur brut (PIB). Un peu plus de 1 200 000 exploitations emploient plus de 1 800 000 actifs, soit environ 8 % de la population active. Le revenu moyen des ménages d’exploitants se situe entre celui des ménages ouvriers et celui des employés.
Mais les disparités internes à l’agriculture sont considérables. Une très faible partie des ménages agricoles bénéficient de revenus comparables à ceux des cadres supérieurs, mais près du tiers perçoivent (...)
Chacun se souvient du Congrès d’Épinay, congrès de l’unité des différents courants socialistes français, où François Mitterrand et sa Convention des institutions républicaines, petit club de quelques amis à l’époque, réussira à fédérer ces courants pour devenir le premier secrétaire du Parti socialiste.
Au secrétariat du Parti, Pierre Joxe est nommé secrétaire à la formation. Il se laisse convaincre par quelques intellectuels (sociologues de l’INRA, salariés issus de la Coopération, de la Mutualité et du Crédit (...)
Un des temps les plus forts de votre exercice ministériel à l’Agriculture a, sans doute, été la réunion du Conseil des ministres européens qui précédait le sommet de Fontainebleau.
Michel Rocard - Effectivement. Mon intention, aussitôt que j’ai eu la maîtrise des grands dossiers de la période, était de préparer une proposition de la présidence française qui permettrait d’en évacuer quelques-uns parmi les plus chauds. Me fondant sur les préoccupations de mes collègues européens, que j’avais pris le soin de (...)
En 1981, vous êtes depuis plusieurs années à l’INRA, après une longue expérience de responsabilités, au premier plan, dans des mouvements de jeunesse, puis au sein du syndicalisme agricole. Comment êtes-vous devenu conseiller agricole du président de la République ?
Henri Nallet - C’est Pierre Joxe, à qui François Mitterrand avait confié la tâche d’animer la Commission nationale agricole du Parti socialiste jusqu’à cette période, qui m’a amené sur cette voie. J’avais participé à plusieurs rencontres avec (...)
Votre carrière est profondément marquée par la Politique agricole commune. Au cours des deux septennats de François Mitterrand, vous jouez un rôle indéniable sur ce sujet. Quelles sont, de votre point de vue, les grandes dates de ce dossier à retenir ?
Guy Legras - C’est assez simple. En premier lieu la présidence française de 1984, où nous réglons à la fois la question du chèque britannique et - il ne faut pas l’oublier - une grande partie des difficultés agricoles qui existaient entre les Dix. Ensuite, (...)
Au mois d’octobre 1990, Michel Rocard étant Premier ministre, Louis Mermaz prend le portefeuille de l’Agriculture. Cette période est marquée par l’expression d’une inquiétude tenace des paysans touchés les uns par la sécheresse, les autres par une détérioration du niveau de leurs revenus. Sans compter que se profilent à l’horizon de difficiles négociations, au sein de la Communauté européenne (PAC) et dans le cadre du GATT, qui risquent de modifier en profondeur les règles qui régissent et rémunèrent (...)
Lire la suiteGeorges Bruno Daoudal, dit Bruno Daoudal, que beaucoup de lecteurs de « La Lettre » ont bien connu, est décédé le vendredi 17 décembre dernier.
Il avait assisté François Mitterrand lors de son implantation dans la Nièvre. En hommage à sa mémoire, on relira ces quelques lignes que lui consacre Jean Lacouture dans sa biographie : « Délégué à Nevers par le RGR pour soutenir le jeune candidat dont il ignorait jusqu’au nom, Bruno Daoudal garde le souvenir de l’ardeur, de l’acharnement de François Mitterrand, (...)
Plus que les sujets politiques, mes souvenirs peuvent simplement souligner quelques épisodes pouvant éclairer le personnage de François Mitterrand, faire comprendre sa lucidité et sa parfaite adhésion au présent ; un Mitterrand que j’ai connu à l’époque où j’étais adjointe au maire de Cortone, petite ville de sa Toscane bien-aimée, alors que Mitterrand était maire de Château-Chinon, déjà en route vers la présidence de la République française.
Il venait souvent à Cortone, même à titre privé ; nous étions (...)
La ville de Château-Chinon, fief de François Mitterrand, s’était jumelée en 1963 avec Cortone. Ayant acheté, à cette époque, une vieille ferme délabrée dans les collines avoisinantes et ayant été amené à Cortone par Umberto Marro, vieil aristocrate libéral et intellectuel distingué, je fus mêlé aux différentes manifestations qui célébraient ce jumelage.
La première fois, ce fut à l’occasion d’un échange folklorique entre les deux cités, mais sans la participation de Mitterrand, qui n’était pas encore premier (...)
« Le voilà plus que jamais au centre de la constellation. Et c’est à ce titre que de Gaulle lui confie, quelques semaines avant la fin des hostilités, l’une des missions les plus poignantes de sa vie.
Les troupes alliées libérant un à un les camps de concentration, le chef du gouvernement tient à ce qu’un Français soit présent aux côtés du général américain Lewis, chargé de l’opération. Il désigne Mitterrand , qui a évoqué ainsi, dans les Mémoires interrompus, la visite, le 29 avril 1945, des camps de (...)
Vendredi 2 novembre
« Benoîte et moi nous jardinons. Avec Paul, son mari, notre ami, elle passe deux jours à Latche, en renfort. Confessons-le, mes plantations de l’an dernier m’invitaient à l’humilité. Rien à dire sur les dahlias, cosmos, marguerites et zinnias qui n’ont besoin que d’amitié, mais l’aster nain est tellement nain qu’il a disparu de ma vue, le cassis reste stérile, ne parlons pas des capucines dévorées par les pucerons et le figuier n’a produit qu’une feuille que j’ai ramassée le matin du (...)
En 1981, malgré les deux chocs pétroliers de 1973-79, l’agriculture française peut encore se prévaloir d’un certain nombre de succès économiques. En vingt à trente ans, la production a crû de 60 % ; la productivité, de 6,3 % par an ; le commerce extérieur agro-alimentaire présente un solde positif de 16 milliards de francs ; chaque agriculteur nourrit 25 consommateurs, contre 7 seulement en 1950...
À partir de ces résultats, animés par une vision euphorique d’une agriculture de conquête, Valéry Giscard (...)
François Stasse fut conseiller économique du président François Mitterrand de 1981 à 1984. Il revient sur cette période où des choix décisifs pour l’Europe ont été faits.
Quel rôle l’Europe a-t-elle joué dans les choix économiques de la période 1982-1983 et notamment lors de la crise de mars 1983 ?
François Stasse - Pour comprendre la séquence 1982- 1983, il faut d’abord rappeler que les choix économiques de 1981 ont obéi à une logique de politique intérieure. Il s’agissait, notamment par une forte (...)